Interview

Jean-Pierre JOACHIME, confidences d'un chasseur.

A 33 ans, Jean-Pierre JOACHIME est un jeune homme comme les autres, et comme tout le monde, il a un jardin secret. Sauf que dans son cas, on pourrait presque parler de forêt secrète… En effet, aucune forêt ni crique des environs de St-Laurent ne lui est inconnue, car depuis son plus jeune âge, Jean-Pierre est un passionné de chasse. A tel point qu’il ne se passe jamais beaucoup de temps entre deux de ses expéditions dans la nature guyanaise qu’il aime tant. Il nous parle aujourd’hui de cet attachement à la nature qu’il concilie parfaitement avec le plaisir de la chasse.



Jean-Pierre JOACHIME, confidences d'un chasseur.
Tu es un adepte de la chasse, te rappelles-tu de ta première fois ?
La première fois c’est loin, réellement loin, ça remonte énormément. Depuis mon jeune âge : je suis né au village chinois et dans ma jeunesse, c’était la chasse à l’arbalète, la chasse au 4/5 millimètres et la pêche ; en grandissant, ça s’est accentué.

Qu’est-ce qui te plaît dans cette activité ?
Dans la chasse il y a tout plein de choses : déjà le plaisir d’être en forêt, c’est magnifique, le calme, le silence total, tout ce qu’il faut pour être bien, et aussi le fait de ramener à manger à la maison des choses bien fraîches et en sachant d’où ça vient.

Quel est le moment que tu préfères quand tu chasses ?

Tout plein de moments, comme par exemple, dernièrement, nous avons fait une remontée vers la crique Portal ; c’était 6 heures de pirogue, et même plus que ça, parce que nous avons fait une descente de crique à 21 heures et sommes arrivés à 6 heures du matin au carbet, mais c’est tout un plaisir, c’est le fait d’être en forêt, le fait d’être avec des amis et qu’il n’y ait personne pour nous enquiquiner.

Jean-Pierre JOACHIME, confidences d'un chasseur.
Considères-tu la chasse comme un sport ou un loisir ?
Ca serait plutôt un plaisir, ça fait un peu partie du sport parce que c’est vrai qu’il y a beaucoup de marche et de souffrance quand même, il faut aimer ça. Je me suis même posé la question : pourquoi tu chasses encore ? mais lorsqu’on aime, on aime.
Sport ou loisir, je dirais les deux, parce que le sport, je ne peux plus en faire comme avant à cause d’une sciatique, et là ça m’arrange parce que la marche et le transport du gibier, c’est un tout et ça fait un peu de sport.

Où vas-tu chasser?
Où ? Partout où l’on peut chasser, à Saut Sabbat, Paul Isnard, dans les criques, partout.


On parle de la raréfaction et même de la disparition de certaines espèces, qu’en penses-tu et à quoi cela est-il dû selon toi ?
C’est vrai qu’à certains endroits il y avait du gibier à volonté, il disparaît, je ne dirais pas au niveau rupture mais il y a maintenant beaucoup de circulation sur les pistes, les routes et beaucoup de chasseurs novices. C’est ce qui fait que le gibier part plus loin et maintenant, pour partir en chasse il faut marcher, il n’est plus au bord de la route comme avant. Comme ils disent, il faut interdire la chasse de certains animaux, je suis d’accord si ce n’est que pour la reproduction, mais qu’on ne nous dise pas qu’ils sont en voie de disparition, celui qui déclare cela, je l’amène dans des coins et il dira le contraire.

Jean-Pierre JOACHIME, confidences d'un chasseur.
Serais-tu d’accord pour une réglementation qui instaure des périodes où la chasse serait interdite ?
Cela dépend des cas, parce qu’il y a des gens qui ne vivent que de ça ici, nous sommes en Guyane. Beaucoup ne connaissent pas la chasse et ne la respectent pas tandis que d’autres chassent pour leur famille, savent comment tuer un gibier du premier coup, il y a tout plein de choses mais au niveau des interdits je ne serais pas contre mais ça dépend pour quelle raison. Pour moi qui adore la chasse depuis mon plus jeune âge, je me vois mal rester pendant 1 mois ou 2 semaines sans aller à la chasse, 1 mois sans y aller, c’est énorme.
J’ai entendu dire qu’ils interdisaient la chasse du maïpouri sur un certain nombre d’années pour la reproduction, je ne suis pas contre mais les gens qui viennent et sortent des « pétarchnock » pour chasser en ne connaissant pas les bois et blessent le gibier en le laissant pour mort dans la forêt, là je suis contre, c’est une chasse commerciale et pour moi, ça ne va plus. On a eu l’exemple avec les copains, on pensait faire une belle chasse aux 7 criques et là, on nous a dit qu’il y avait des gens qui étaient venus et repartis avec des pirogues chargées.
Je suis conscient qu’il y a du gibier à protéger ; on évite de tuer le gibier protégé, de peur de se faire choper par les forces de l’ordre et d’en prendre plein la tronche, on essaye de respecter tout ce qu’on peut.

Est-il possible d’être à la fois chasseur et défenseur de la nature ?
Je suis chasseur et je pourrais défendre la nature, ça dépend des cas et comment ils se présentent.

Jean-Pierre JOACHIME, confidences d'un chasseur.
Certains chasseurs respectent des principes lorsqu’ils chassent, quels sont ceux que toi, tu respectes ?
Ne pas tuer une femelle qui a des petits ou pendant les périodes de reproduction, on évite d’y aller à ces moments-là, pour ne pas tuer de femelles pleines. Il faut être dedans, il y a des choses que tu fais en forêt et que tu ne fais pas en ville, il y a beaucoup de choses à suivre, les conseils des grandes personnes. Je suis très proche d’elles, parce ce sont elles qui sont censées m’apprendre des choses plutôt que des jeunes de mon âge qui m’auraient entraîné à faire des conneries… Elles m’ont appris beaucoup de choses que je mets en pratique aujourd’hui.

On entend parfois parler de chasseurs perdus en forêt que l’on retrouve plusieurs jours plus tard, t’es-t-il déjà arrivé de perdre ?
Pour l’instant je touche du bois, ça ne m’est pas encore arrivé de dormir pendant 3 jours en forêt, au point de me perdre. Il nous est déjà arrivé de courir après des cochons, nous sommes tombés sur des macaques et en les poursuivant, nous avons perdu notre chemin, et nous sommes sortis assez tard de la forêt. On y va mollo et avec beaucoup de précautions.


Jean-Pierre JOACHIME, confidences d'un chasseur.
Quel est ton plus beau souvenir ?
Il y en a plein. Ces dernier jours avec les copains, il y a quelque chose qu’on dit interdit, ce n’est pas du commerce mais on a mangé du «féfé » ; on se disait qu’à 9h00 du matin, pendant qu’on casse-croûte du féfé avec du couac, d’autres sont en train de manger du pain et du jambon. Entre nous, on ne dit pas féfé mais « cravate en liane », on se comprend comme ça.
Mon plus beau souvenir, c’est d’être en forêt et bien manger.
Tu chasses ton gibier, assis ensuite ensemble pendant le nettoyage puis l’amarinage et le petit qui va avec, et c’est bon, c’est la fête à 4.

Voudrais-tu présenter des vœux pour la nouvelle année ?
Le Nouvel An, ça sera Peace and love, trop de violence, il faut que ça cesse et que tout redevienne comme avant.


Jean-Pierre JOACHIME, confidences d'un chasseur.

Samedi 24 Décembre 2005
Rédaction

Notez