Interview

Marceline MONDESIR, la tradition guyanaise à Paris.

Présidente de l’association « Mo isi, mo rot bò », Marceline MONDESIR est une femme de cœur et d’action. Loin de son pays natal, elle défend haut et fort la culture et les traditions guyanaises tout au long de l’année à travers l’hexagone. Initiatrice et poto mitan des soirées carnavalesques du Salon Sabrina, elle travaille en famille et avec les amis à faire connaître la tradition des bals touloulou. Grâce à son association et au groupe DOKONON, les guyanais exilés retrouvent chaque samedi soir, pendant toute la durée du carnaval, l’ambiance et la chaleur du pays.
Guyto, notre correspondant à Paris, l’a rencontrée.



Marceline MONDESIR, la tradition guyanaise à Paris.
Guyto : Bonjour Marceline, peux-tu te présenter ?
M.M : Je suis Marcelline MONDESIR, je suis née à Cayenne. La famille MONDESIR est de Saint-Laurent mais ma grand-mère est rentrée sur Cayenne par rapport à ses enfants. Du côté de ma mère, c’est la famille CHERUBIN.

G :
Depuis quand et avec qui organises-tu des soirées carnavalesques ?
M.M : Depuis que j’ai créé l’association « Mo isi, mo rot bo » en 1994. C’était pour promouvoir la culture guyanaise : tout ce qui est folklore, les chants et les danses guyanais, et aussi le carnaval, qui fait partie intégrante de la vie guyanaise.

G : Donc votre association ne s’arrête pas uniquement aux soirées carnavalesques ?
M.M : Non, pas du tout ! C’est vraiment une association culturelle, à travers les journées portes ouvertes et culturelles, il y a une grosse demande, l’association est toujours invitée et on sillonne la France. Notre objectif est vraiment de véhiculer la culture guyanaise avec tout ce qui est objets artisanaux, livres, robes. Nous le faisons aussi à travers l’art culinaire et notre grand cuisinier, Myrtho avec qui on essaye de représenter tout ce qui est cuisine guyanaise, surtout à Pâques avec notre fameux bouillon d’awaras.

Marceline MONDESIR, la tradition guyanaise à Paris.
G : comment t’est venue l’idée d’organiser des soirées carnavalesques, ici à Paris ?
M.M : L’idée m’est venue tout simplement parce que c’est vrai qu’étant loin de notre pays, on n’oublie pas la culture, et chaque année on pensait à notre carnaval. A la maison déjà on commençait par la galette des rois et on terminait par un fameux bal touloulou : avec mes enfants, mes sœurs, la famille, les amis et les voisins, je les invitais tous à venir à la maison et on se déguisait. L’idée est donc venue de là, et on s’est dit pourquoi ne pas essayer en salle. Donc en 1995, j’ai commencé mes premiers bals carnavalesques, sous forme de punch en musique les après midis à Sarcelle, et cela se terminait par une grande soirée avec orchestre, avec Arnold.

G : Aujourd’hui, en 2006, c’est une bonne affaire pour l’association d’organiser ces soirées ?
M.M : Je dirais qu’en effet, c’est une bonne affaire pour le public car il y a une grosse demande. Nous avons commencé les après-midis, puis nous avons fait une ou deux soirées et c’est par rapport à la demande du public que nous avons commencé en salle et avec l’orchestre DOKONON, ce sera cette année la troisième édition. Nous faisons comme en Guyane parce que nous avons remarqué que les gens qui ne pouvaient pas rentrer au pays se plaignaient, donc on essaie de faire comme en Guyane, tous les samedis jusqu’au mercredi des cendres.

Marceline MONDESIR, la tradition guyanaise à Paris.
G : Cette année, il existe une autre salle, ce qui permet à tous ceux qui sont sur Paris d’avoir le choix pour aller s’amuser. Comment perçois-tu cela ?
M.M : Certains parlent de concurrence, mais je pense qu’il y a de la place pour les deux associations. Je trouve que c’est une bonne chose, cela permet aux gens de venir soit chez Sabrina, soit d’aller dans l’autre salle, je ne vois pas où est le problème. Au contraire c’est une bonne chose, puisqu’au pays, il y a bien Nana et Polina !

G : Quelles sont les personnes qui t’aident dans cette organisation ? As-tu des partenaires financiers ?
M.M : Des partenaires financiers, c’est très difficile à trouver. Tout ce que nous faisons jusqu’à présent, c’est avec des fonds personnels, nous n’avons pas de sponsors, pas de subventions, rien du tout . « Kou yé ka di, nou ka djoubaté, nou ka esayé debrouyé, mé a vrémen pas nou konten sa ». Mais je peux vous dire que ce n’est pas facile du tout !

Marceline MONDESIR, la tradition guyanaise à Paris.
G : De ton point de vue, que faudrait-il pour améliorer encore ces rendez-vous du samedi soir ?
M.M : Je dirais qu’il faudrait que les guyanais soient plus solidaires ! Nous faisons ce travail afin d’amener, comme je l’ai dit, les amis de la Guyane, les gens qui ne savent pas ce qu’est le touloulou, à mieux connaître nos traditions. Aussi, j’aimerais que les compatriotes nous donnent un coup de main dans ce sens, « y fo yé bay lavwa », pour inviter le voisin, les amis et les amener à participer à nos soirées carnavalesques. J’ai un autre petit regret au sujet de ces demoiselles qui arrivent chez Sabrina sans être déguisées, « mo ka di yé kon menm fai roun ti éfor », parce que c’est la tradition ; il y a un travail important qui est fait derrière, dites vous bien qu’il faut que je fasse des robes, que j’en fasse venir, et ce n’est pas vraiment facile ! C’est gênant de voir les compatriotes femmes non déguisées dans la salle, je leur dirai quand même de faire un effort cette année.

G :
Quel est le bilan pour toi, après toutes ces années d’organisation ?
M.M : Le bilan, c’est chaque année qu’on le fait… Il est vrai qu’il y a un travail difficile de fond qui est fait, et heureusement que je ne suis pas seule : j’ai un mari formidable, Myrtho, qui me donne un grand coup de main, et je suis entourée de la famille et des amis. Mais le principal, « sé ki nou ka tchimbé raid pou nou pouvé avansé, é mo ka espéré ki nou ké pouvé continyé travay nou koumancé a ».

G : Il n’est pas facile pour les femmes qui vivent à Paris de se procurer des robes de touloulou, qu’est-ce que vous leur proposez ?
M.M : Je confectionne des robes et je peux habiller celles qui le désirent de la tête aux pieds, avec robe et accessoires. Notre but est de faire connaître, donc
ceux qui découvrent et ne connaissent pas du tout m’appellent. Certains ne savent pas danser, alors on met de la musique et on leur apprend à bouger, car le but c’est ça, c’est de danser au son de la biguine et de la mazurka.

G : Comment fait-on pour te contacter ?
M.M : Il faut simplement m’appeler, au 01.44.62.04.96 ou au 06.08.47.85.30
On peut m’appeler à n’importe quelle heure et il y a aussi la possibilité de s’habiller directement à la salle Sabrina, sans problème. Beaucoup arrivent en train et ne peuvent s’habiller en touloulou, donc lorsqu’elles arrivent à la salle, elles disent que « c’est pour touloulou » et on les oriente vers moi pour que je les habille.

G :
Cela représente donc un sacré boulot de confectionner toutes ces robes !
M.M : Bien sûr, il y a du boulot dans la confection des robes, par rapport aux volants des jupons, il faut bien ouvrager le corsage avec des volants, il y a en effet un certain travail.

Marceline MONDESIR, la tradition guyanaise à Paris.
G : Imagines-tu qu’un jour, on verra des gens venir de Guyane pour venir danser le carnaval à Paris ?
M.M : Non, quand même, il faut être logique ! Mais cela nous fait quand même plaisir qu’il y ait des gens qui viennent voir ce que nous faisons, plutôt en début janvier. En 2004 et 2005, nous avons eu à peu près 150 guyanais qui ont participé au Salon Sabrina, avec DOKONON mais après ils repartaient pour la ligne droite en Guyane.

G : Donc cette année encore, les soirées sont prévues jusqu’au mercredi des cendres ?
M.M : A la salle Sabrina, nous le ferons jusqu’au 25 février et on n’oublie pas la fameuse soirée tololo, qui a eu un grand succès l’année dernière. Donc le 24 février, ce sera la soirée spéciale tololo ,comme en Guyane. « Pa gen problèm , nou ka tchimbé tradisyon a a fon, épi nou ke wè sa y ka poté »

G : Lors des soirées, est-ce que cela se passe comme en Guyane, est-ce que l’on peut manger ?
M.M : Oui, il y a même un petit plus par rapport à la Guyane, c’est que l’on peut manger en salle : il y a du bami, notre bon colombo, nos chouit marinades, nos dizé milé, et cette année il y aura des comtesses, nous innovons, il faut que les gens qui arrivent chez Sabrina sentent la chaleur du pays.

G : Quels sont les tarifs des soirées ?
M.M : L’entrée est fixée à 10 euros pour les touloulous et 16 euros pour les autres invités. « Pri a vrémen pa chè mézanmi, alor fè éfor, bay zot kò mouvmen, vini pren chaleur, kon yé ka di, la dokonite au Salon Sabrina !»

G : Quels sont tes vœux pour l ‘année 2006 ?
M.M : Je dirais tout d’abord merci au 97320 .com d’avoir pensé à toute l’équipe de l’association « Mo isi, mo rot bò ». Notre vœu, c’est que les gens se manifestent cette année, qu’on ait beaucoup de touloulous surtout, et que tout le monde vienne s’amuser, s’éclater , oublions nos soucis, nos problèmes, tous les mauvais moments ! Tous les samedis, on se donne rendez-vous pou nou roulé paysékos ! Bonne année à toute la Guyane.

Mercredi 25 Janvier 2006
Interview réalisée par Guy LEON

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