On apprécierait mal le problème en le réduisant en un simple conflit de pouvoirs et d'attributions.
Le maire n'ignore pas les attributions qualifiées de judiciaire qu'il exerce sous l'autorité du Procureur de la République.
Il sait parfaitement ne pas confondre le pouvoir de police judiciaire avec le pouvoir de police administrative.
Il s'agit d'autre chose.
Il n'est pas inutile de rappeler un truisme : la Guyane, avant d'être une Région, un Département, une Vitrine de la France en terre latino-américaine, un fragment d'Europe ultrapériphérique (de quoi se tordre), est d'abord un pays à part entière situé au nord-est du continent sud-américain.
C'est le pays réel.
Pays réel et pays officiel ne sont pas nécessairement superposables. Il arrive que des contradictions les opposent.
S'agissant de la démolition du squatt, le maire a décidé, au nom du pays réel et de l'opportunité de faire intervenir la police municipale, sachant fort bien que le contrôle de l'Etat ne porte que sur la légalité de l'action des administrations décentralisées mais pas sur son opportunité.
A-t-il estimé qu'il était opportun d'utiliser le pouvoir de police municipale que lui reconnaissent l'article L 101-1 et les suivants du Code des communes ? L'article L 101-2 stipule que la police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique, la tranquillité et la commodité des habitants.
Si les maires utilisent rarement leurs fonctions d'officiers de police judiciaire, il ne faut pas en conclure qu'ils ne doivent pas les exercer.
Les fonctions comme les organes ne s'usent que si l'on ne s'en sert pas.
De façon récurrente, on nous rebat les oreilles de l'antienne selon laquelle le problème de l'immigration relève exclusivement de la compétence régalienne de l'Etat. Bien. Mais que faire lorsque cette compétence s'avère impuissante à juguler la noria migratoire à l'Ouest comme à l'Est ?
Se contenter indéfiniment des visites répétitives de ministres de l'Outre-mer dont les discours circonstanciels et interchangeables font mâcher à vide ?
Les gestionnaires du pays réel (communément désignés sous le terme d'élus) ont tendance – le passé pèse lourd – à réduire la décentralisation à la déconcentration, n'usant pas ainsi de façon optimale les compétences des collectivités territoriales distinctes de celles de l'Etat ; sous-estimant le fait que l'Etat ne dispose pas de pouvoir d'instruction à l'égard des administrations décentralisées.
Nombreux sont encore ceux (par ignorance ou intérêts) qui refusent d'admettre que le président du Conseil Régional est l'exécutif de la région à la place du Préfet qui exerçait cette fonction à l'origine.
Le premier personnage du pays de Guyane, c'est le président de la région et non le Préfet.
C'est ainsi qu'au sein des contradictions qui opposent pays réel et pays officiel, émerge une catégorie (un euphémisme) d'agents de l'Etat, persuadés d'être les dépositaires d'une parcelle de pouvoir règlementaire, manifestant leur flagornerie, leur tartuferie ou encore leur irrespect et leur sournoise brutalité. Nos responsables, doivent avoir, prioritairement, entre autres tâches, celle, d'assainissement, pour le bien du pays réel, de bouter hors de notre territoire, certains aventuriers et opportunistes chez lesquels persistent les relents rédhibitoires d'une certaine nostalgie.
Il y va de la santé et de l'avenir du pays réel.
Il appartient donc à ceux qui constituent le tissu du pays réel de dire, sinon décider, qui doit être bouté.
Arsène Bouyer d'Angoma
Saint-Laurent du Maroni le 16 Mai 2006