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Interview

M. Edouard ROYER, témoin privilégié du siècle à St Laurent (2)

Suite et fin de notre entretien avec M. ROYER. La fin de la guerre, après la difficile période de Vichy, marque aussi la fin d'un système, celui du bagne. C'est l'heure pour St Laurent , devenue commune de plein exercice, de vivre pour elle-même. Une époque de transition où il va falloir innover et prendre les choses en main, au moment où la Guyane connait la départementalisation.



Quels changements sont arrivés avec le régime de Vichy ?
Il faut bien dire que Vichy a été une période très difficile. L’Amiral Robert gouvernait les Antilles et la Guyane d’une main de fer. En 1942, à St Laurent, un nouveau dirigeant nommé par le gouvernement de Vichy a pris ses fonctions à la tête de l’Administration Pénitentiaire. Pendant ce temps-là nous avons vécu dans des conditions difficiles. Les bagnards ont le plus souffert, et ils sont morts par milliers dans les camps ! Mais la population civile a elle aussi subi ce régime : interdit de se réunir à plus de trois, tickets de rationnement, pénurie de certains produits … on écoutait les nouvelles sur la BBC avec mon beau-frère résistant, le soir, en cachette !
Le capitaine de l’Armée du Salut a été accusé de trahison et expulsé, plusieurs habitants ont été envoyés aux îles du Salut comme prisonniers, comme M. Reynard ou M. Bertrand, le grand-père du Maire ; il était passeur et faisait traverser les dissidents sur l’autre rive.

La résistance s’était alors organisée ?
Oui, plusieurs jeunes ont rapidement choisi de résister ou de partir rejoindre les Alliés. En face, à Albina et à Moengo, les militaires accueillaient les dissidents et les encadraient. Le lieutenant-colonel Chandon était à la tête de cette organisation. Il avait laissé l’armée ici pour rejoindre les Alliés !


La fin de la guerre marque aussi la fin du bagne, et la fin de toute une époque ?
Oui, peu à peu les bagnards disparaissaient. Il y avait encore quelques libérés, hommes libres mais sous contôle du pénitentier, qui se débrouillaient : petits commerces, bar, artisanat …
Oui, il faut bien dire que la ville vivait grâce aux activités du bagne; la ville a perdu beaucoup de sa beauté; il a fallu alors s’organiser, surtout sur le plan économique. Les principales entreprises fonctionnaient grâce au bagne. Par exemple, ce qu’on appelait alors « Les travaux » (l’actuel bâtiment de la DDE, partie de droite) employait une foule d’ouvriers qualifiés: des menuisiers, des couvreurs, des ébénistes, des peintres, des tolliers, des tourneurs … tous faisaient un travail de qualité! Et bien tous étaient bagnards !
L’A. P les employait mais la population en profitait aussi : un particulier pouvait demander quelques bagnards en « cession » pour ses travaux, en payant une somme modique au Trésor ; on donnait souvent un petit pécule au bagnard méritant, en cachette … par exemple, la maison de mes beaux-parents a été couverte en l’espace de 48 heures, un espace de 200 m
Beaucoup de jeunes de St Laurent ont appris comme apprentis un métier grâce à ces bagnards qui les ont formés.
Les bagnards partis, les ateliers de l’A. P ont fermé un à un …
Les briqueteries, les exploitations forestières, les terres cultivées par les bagnards concessionnaires, l’élevage des boeufs, tout cela a disparu progressivement …
Le commerce même déclinait, car la main d’œuvre a disparu pour charger et décharger les marchandises.



La ville s’est-elle alors endormie ?
Un temps seulement, car l’activité économique et la vie sociale ont repris peu à peu.
Il est important de dire qu’en 1949 la ville est alors devenue indépendante et qu’elle ne dépendait plus de l’A. P, puisque celle-ci avait fermé ses portes. Le temps où le bagnard, avec son fanal, une lampe à pétrole, éclairait les rues de St Laurent, était fini.
La départementalisation, en 1946, a aussi fait évoluer les choses.

Comment la population a-t-elle pris son destin en main ?
Cela a pris du temps et il a fallu s’organiser.
Les commerces ont joué un rôle clef dans la renaissance de la ville. Les grandes maisons comme TANON, GOUGIS, BARCAREL, GAMALAM et d’autres ont repris les choses en main. Les Sociétés Forestières ont pris la relève pour exploiter la forêt.
La question des transports était capitale. Le transport des marchandises se faisait par le fleuve grâce aux deux caboteurs et aux voiliers de la société TANON et aux voiliers brésiliens. Le transport routier était toujours difficile, et la route reliant St Laurent à Cayenne n’existait pas encore; il y avait seulement une route empierrée qui allait à la ville de Mana.



Cette évolution a-t-elle marqué votre vie professionnelle ?
Mon parcours professionnel est symbolique de ce que je viens de vous dire.
J’ai travaillé cinq ans aux Ponts et Chaussées comme surveillant des travaux, puis à la Société Forestière de Guyane dirigée par un bequé, à la comptabilié ; il y avait 400 ouvriers, souvent des bushi-nenges, je m’occupais de la paye des employés. Puis, en 1952, j’ai travaillé avec mon beau-père à l’ouverture d’un commerce, la maison FOURNIER. La maison-mère se situait à l’emplacement de l’actuel magasin chinois AKO. On vendait de l’alimentation, puis de par mes activités sportives, on a greffé des équipements de sport, et j’ai vendu la marque Adidas.
Nous avons ensuite ouvert un magasin de gros, alimentation et autres, approvisionné directement de métropole ; on vendait ainsi moins cher !
Puis un troisième magasin de matériaux de construction.
Le commerce, c’était mon affaire !
On a commercé avec le Surinam, alors toujours hollandais. On recevait de la peinture tropicale, des meubles en contreplaqué et en formica, du grillage …
Puis on a ouvert une pompe à essence en accord avec le groupe ESSO. On travaillait en famille, sans relâche !
Nous avons fermé en 1983. J’ai perdu mon beau-père, ma belle-mère et ma femme ; mes fils ne voulaient pas reprendre l’affaire.

Parlons à présent de vos activités sportives.
Ah j’aime le sport !
Depuis l’école, en France, j’ai joué au football ; j’étais le seul noir de l’équipe et je devais assurer ! De retour à St Laurent, j’ai continué.
En ce temps-là il y avait quatre équipes : Le Patronnage, le Stade Guyanais , le Golden Star et Bota Fogo. Je jouais avec le Golden Star et j’étais arrière central ; j’ai commencé à 18 ans et j’ai laissé à 38 ans ! j’ai même joué en sélection de Guyane, à l’âge de 25 ans! 20 ans de football !
Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai appris à jouer au basket-ball pendant la guerre, avec des portoricains basés à Moengo ; ces gars-là étaient forts !
Plus tard, avec une bande d’amis, nous avons formé la première équipe de basket à St Laurent : je me souviens de Jean HO YOU FAT, Georges LEO, René LONG, de M. AGELAS entre autres, et d’une fille, mademoiselle Gilberte SALEG ! Nous avons beaucoup joué au Surinam …
Il n’y avait pas de terrain à St Laurent, et nous en avons eu assez de jouer sur de la terre battue; on a voulu un terrain en ciment. Pour le financer, nous avons organisé des bals, des kermesses d’une semaine! C’est l’actuel stade B ! C’est là que je m’entraînais au basket-ball, pour améliorer mon jeu au football !

Mardi 7 Juin 2005
C. MISTRAL

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Vos commentaires

1.Posté par René le 09/06/2005 18:07
J'aime cette tranche de vie, j'en redemande. Merci camarade Edouard.

2.Posté par ROYER le 13/06/2005 21:45
super !! magnifique témoignage
c'est normal c'est mon grand père !!!!
gros bisous

3.Posté par Jojo le 11/04/2006 12:26
coucou

4.Posté par Victor SAMSON le 22/05/2006 05:43
Bonjour M.Royer,

Quelle tranche de vie et surtout bien racontée. Je ne connaissais pas cette partie de l'histoire de St Laurent. J'espère que tout se passe bien dans ma commune. J'ait quitté St Laurent depuis pas mal de temps. Que sont devenus Christian et Alain, vos fils. Suis actuellement à l'ambassade de France à Berne en Suisse. La retraite pour très bientôt, ce qui me permettra de retourner un peu au pays pour revoir les connaissances et délaisser un peu la Diplomatie.
Bonne continuation
Victor SAMSON
Ambassade de France
Berne (SUISSE)

5.Posté par de boisse catherine le 19/11/2008 21:34
j'ai vécu à saint laurent quand j'étais enfant, j'allais à l'école chez les soeurs FMM (nous jouions déjà au basket !! ce devait être dans les années 50) et mon père Paul Mortemard de Boisse était au BAFOG
jai revu Jojo Barcarel en france et j'aimerais la recontacter
mon amie quand j'étais petite s'apellait Line Bagoa
je prenais des cours de latin avec le père Rau
nous habitions dans une grande maison en face du bagne ( je l'ai revue à la télévision!!)
je suis allée passer mon Brevet à Cayenne dans le petit avion de Mr Tanon., j'ai des foules de souvenir de Saint Laurent si vivante dans ma mémoire
Je me souviens très bien des commerces dont il est question dans vos souvenirs, et d'un tas de gens dont j'ai oublié les noms, mais qui sont vivants dans mon souvenir!

6.Posté par Jojo Barcarel le 14/01/2010 18:34
Paris le 14 janvier 2010,
Bonjour Catherine,
Je suis Jojo Barcarel... Quel bonheur de te retrouver. Je suis de passage à Paris actuellement. Je rentre aux Antilles le 1er février 2010... Tu peux prendre contact avec moi par lebiais de l'adresse mail laissée sur ce site si tu le souhaites...
Au plaisir de t'entendre.
Mes meilleurs souvenirs
Jojo

7.Posté par de boisse le 10/10/2010 18:02
je recherche jojo, râtée cette année, puisque je lis seulement aujourd'hui le message que tu m'as laissé ici
j'espère que l'on pourra se recontacter
as-tu une adresse email?
moi [email protected]
+ à +

8.Posté par bacha ahmed le 13/05/2011 16:12
je suis a la rcherche de mon cousin BACHA ALI de douar thleth (seriana) PASTEUR BATNA (AURES) de l'est algerien. deporte vers cayenne ou guyane. Toute information sur mon cousin ou sur ses éventuels descendants sera la bienvenue merci.
[email protected]
[email protected]
tel: +213665681016

9.Posté par AMAR le 10/06/2011 20:38
je chercher a contacter les anciens colons de pasteur( actuellementseriana : famille calviere , perrocheau, e tc...
voici mes coordonnées .
[email protected]
salutations

10.Posté par catherine de boisse le 07/01/2013 18:56
je viens d'écrire un livre qui se situe en grande partie à saint-laurent
j'aimerai recontacter jojo barcarel pour le lui envoyer
sa fille m'avait donné son numéro de téléphone que j'ai perdu
j'espère à bientôt
0442276983
[email protected]

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