Bonjour, je me présente, Cécile Placide, épouse Léo. J’ai 78 ans. J’ai sept enfants, 2 garçons et 5 filles.
J’ai 16 petits-enfants et 9 arrières petits-enfants. Je suis à la retraite.
Depuis combien d’années êtes-vous en Guyane?
J’habite à St-Laurent depuis 1953.
Comment avez-vous pris la décision de venir en Guyane ?
J’ai tout simplement suivi mon ami qui travaillait au bureau minier. Et, comme nous avions déjà 2 enfants, alors tout le monde est venu s’installer en Guyane. En Martinique, j’étais ouvrière dans la couture et je pensais trouver du travail ici. J’ai exercé le même métier en arrivant. Mais, ensuite je suis rentrée à l’hôpital, à la lingerie. J’y suis restée 31 ans.
Vous avez tant aimé la danse folklorique, pouvez-vous nous en parler ?
J’avais 15 ans et c’était en Martinique. J’étais dans le groupe de Loulou Boilaville. On allait danser pour les touristes.
En arrivant en Guyane, je voulais continuer, mais j’ai longtemps attendu. Il fallait que je sois bien installée et que mes enfants soient assez grands.
A l’occasion d’une fête de noël à l’hôpital, j’avais présenté un spectacle et les gens avaient beaucoup apprécié. Ils m’ont alors demandé de créer un groupe, et c’est ce que j’ai fait en créant le groupe folklorique « les Jasmins ». Ce groupe a duré 21 ans.
C’était dans les années 60, je ne m’en souviens pas très bien. J’avais des petits comme Jean-Elie Panel et bien d’autres…
Où se situait le local de votre groupe ?
A l’époque, j’habitais au « quartier officiel ». J’avais une grande véranda et les répétitions se faisaient les après-midis car je ne travaillais pas. Je me suis renseignée sur les danses et chansons guyanaises parce que je ne les connaissais pas. J’ai même demandé à plusieurs personnes qui étaient volontaires de m’aider, et c’est parti comme ça.
J’avais presque tous les enfants de St-Laurent dans le groupe, j’ai même dû faire 3 groupes : les petits, les moyens et les grands. Et ça a fonctionné comme ça pendant 21 ans.
J’ai quitté le groupe à cause d’une déception. Après des prestations en Martinique, j’avais été déçue par certains enfants, les grands, qui faisaient des bêtises. Etant une personne très impulsive, j’ai préféré démissionner. Je pensais qu’ils auraient continué, mais ça n’a pas été le cas.
Avez-vous rencontré des difficultés pour enseigner les danses folkloriques guyanaises et martiniquaises ?
Les enfants s’adaptaient facilement parce qu’ils aimaient la danse. Pour les danses guyanaises, je regardais à la télé et dès que l’on sait danser, ça va tout seul. J’ai eu le soutien de Mr Elfort pour le tambour, il a appris à certains garçons, tels que Henri et Maurice Placide, Panel et aussi aux autres jeunes. J’ai aussi inventé quelques pas.
Par la suite, j’ai commencé à leur apprendre le folklore de la Martinique, il n’y a pas que celui de la Guyane, mais aussi celui de tous les pays.
J’ai eu le concours de certains militaires antillais qui venaient pour les percussions. Ils m’ont aidé à apprendre aux enfants les danses guadeloupéennes.
Non, pas du tout. Une fois que j’ai laissé quelque chose, c’est définitif. Quand c’est fini, c’est sans regret.
Aujourd’hui, qu’avez-vous comme autres activités ?
Je fais partie de l’ATAM, Association de Tous les Ages du Maroni, dont je suis la vice-présidente. Je reste dans le même domaine car je m’occupe de la partie animation. Les activités sont la danse et le théâtre. Je m’occupe également des petits-enfants des membres de l’association. J’ai créé un groupe de lanciers et je continue avec les personnes âgées. J’ai appris à pas mal de jeunes de St-Laurent à danser le lancier.
Quel serait votre vœu pour que la danse folklorique reste présente ?
Je ne sais pas, ils n’ont pas le courage que j’avais avec le groupe des Jasmin.
Il y a bien un groupe d’enfants, mais ils n’évoluent que pour la fête de St-Laurent, c’est dommage car ils dansent très bien et ils auraient pu aller très loin. En fait, c’est Mr Isidore et Mlle Diomar qui s’occupent d’eux et ils font eux-même partie de l’association « Reste du monde. Ce n’est pas comme moi, je n’avais que le groupe folklorique à gérer, alors qu’eux ils doivent aussi gérer les différentes activités de l’association. C’est dommage pour ces enfants, car au fur et à mesure je vois que rien ne tient comme il aurait fallu.
Oh non ! Ils aiment la musique. Mon mari était musicien. Henri, le premier garçon, fait de la musique, il chante, enfin il compose, plutôt. Je me dis qu’il n’est pas un chanteur, mais un compositeur. Maurice, lui, a longtemps fait du folklore et une fois que j’ai tout laissé tomber, il a fait pareil. Il y avait Patrick Velaye, qui était un bon danseur et animateur.
Par contre, parmi mes enfants, j’ai ma fille Nadine qui aime le folklore. Elle chante tous les samedis chez Sérotte. Elle aime ça et les autres, non.
Avez-vous d’autres passions en plus de vos activités associatives avec l’Atam ?
Ma passion, ce sont mes plantes, des plantes d’appartements et d’ornements.
Depuis ma retraite, je ne peux plus faire de gros travaux, alors je m’assieds et je m’occupe de mes plantes. J’ai une pépinière avec toute une variété. Pour l’arrosage, j’ai du monde pour le faire, c’est une de mes grandes occupations.
Les gens disent que la jeunesse actuelle est perdue, ce n’est pas vrai du tout. Je disais souvent qu’autrefois, nous étions plus désagréables. Nous n’avions rien et nous étions obligés, par exemple, de voler un peu de lait ou de sucre pour manger avec du couac. Alors que maintenant, ils ont tout.
Les enfants de maintenant sont trop blasés, ils ne s’amusent pas. Ils ne font que regarder la télé et les jeux vidéos. Nous organisions toutes sortes de jeux.
Avec mon groupe du 3è âge, pendant « la semaine bleue », nous passons dans les écoles pour apprendre aux enfants de la maternelle les chants et les jeux d’autrefois, et ils aiment ça, mais ce sont les petits !
Les adolescents, eux, sont complètements indifférents. Qu’ils aiment leurs jeux vidéos, c’est un fait, mais je voudrais qu’ils soient plus respectueux. Il y en a qui vous saluent quand ils vous croisent, mais vous connaissez la situation de St-Laurent, il y en a beaucoup qui vous envoient balader quand vous leur faites une observation, ils ne regardent même pas si vous avez des cheveux blancs ! Je leur demande d’avoir plus de respect, « fo yo respecté gran moun é pi resté byen ! »