Je préfère dire "chef coutumier", car je ne me considère pas comme un auxiliaire de l’administration. Le rôle du chef coutumier, c’est de porter un regard vigilant sur l’avenir de sa communauté, sur ses relations avec le reste de la société. Il a aussi une fonction plus pragmatique, celle de régler les conflits.
Y a-t-il une durée de mandat comme pour un poste politique ?
Il n’y a pas de durée pour ce mandat. Cependant je n’hésiterais pas à mettre mon mandat en jeu si les villageois le réclamaient.
Est-il habituel qu’une femme occupe cette fonction ?
Disons que Cécile Kouyouri, Mélanie Aliman’hé et moi sommes en train de créer un usage.
Comment êtes-vous arrivée à l’occuper ?
Pendant plusieurs années j’ai assisté mon père qui détenait la fonction de chef. A travers l’activité associative (Hanaba Lokono), j’ai appris à m’occuper de nouvelles questions, portant notamment sur le foncier et l’urbanisme.
A Balaté je n’ai jamais ressenti aucune difficulté ni aucune contrainte liée au fait que je sois une femme.
Avec les changements dans la société, est-ce que la fonction de chef coutumier évolue également ?
Certainement. En particulier dans les villages, les gens sont amenés à devenir de plus en plus autonomes et citoyens. Dans ces conditions le chef n’a plus ce rôle un peu "paternel" qui existait autrefois. Par contre il demeure le garant de l’unité et de l’identité de sa Communauté. Depuis quelques années les chefs sont obligés de s’impliquer dans les grands débats (question institutionnelle, problème du Parc national) qui agitent la société toute entière. Y participer vous force à confronter vos idées à celles des autres, à adapter votre jugement. Autrement dit à évoluer.
Existe-t-il aujourd’hui des problèmes qui n’existaient pas il y quelques années?
J’évoquais la question du foncier, mais aussi par exemple les problèmes liés à la jeunesse (désoeuvrement, toxicomanie) qui sont propres à notre époque.
Je ne le cacherai pas : notre jeunesse est aussi touchée par ces fléaux. Sans doute cependant de façon moins marquée. Je suis convaincue que le village est un cadre favorable au respect des valeurs comme à l’épanouissement des jeunes.
Quelle pourrait être la solution pour éviter cela ?
Il y a beaucoup de causes aux dérives de la jeunesse : l’attitude des familles, le cadre de vie, l’attitude des autorités, les responsables de la politique économique et sociale … La solution n’existe qu’en concertation avec tous ces acteurs. Encore faut-il qu’ils jouent le jeu.
Vous vous êtes engagée politiquement avec un message fort sur la protection de l’environnement, mais pourquoi un tel silence depuis la fin de la campagne ?
Je crois pouvoir dire que les Verts sont actuellement le parti le plus présent sur la scène politique. Les guyanais devraient s’interroger sur le désintérêt des autres formations sur la question du Parc national. L’enjeu du Parc dépasse largement le sujet de l’environnement, il y a un fort enjeu scientifique, un défi économique, des questions de société propres à l’identité de la Guyane.
Que vous a apporté la campagne électorale pour les régionales puis celle pour les européennes ?
Une certaine notoriété, une plus grande expérience à travers les confrontations politiques. Une meilleure connaissance des problèmes de mon pays. Mais aussi des rencontres et des échanges chaleureux qui m’ont fait grand plaisir.
Seriez-vous prête à repartir si on vous sollicitait à nouveau ?
Une campagne réclame un effort et une disponibilité qu’il est difficile de fournir en permanence. Il me faudrait du soutien en nombre !
En dehors de votre vie professionnelle et vos responsabilités de chef coutumier, quels sont vos autres passe-temps ?
Je passe beaucoup de temps en forêt. On y ressent des sensations qui n’existent pas en ville. De la douceur, un peu d’inquiétude parfois aussi. Cela fait partie du plaisir !
Qu’aimeriez –vous dire à la jeunesse guyanaise ?
Impliquez-vous, et aidez les autres : cela vous donnera une raison de vivre.