Bonjour Eric, merci de m’offrir cette opportunité.
Je suis l’Abbé Prosper Temdeng, originaire du Sénégal et j’ai 32 ans.
Depuis quand officiez-vous à St-Laurent ?
Je suis à St-Laurent il y a maintenant 1 an et 4 mois.
Quand avez-vous su que vous vouliez être prêtre ?
Très jeune, j’ai senti le besoin d’aller au séminaire puisque j’ai eu la chance de grandir dans une famille catholique. J’avais un cousin germain qui était prêtre. Il me plaisait beaucoup de le voir dire la messe.
Y a-t-il une formation pour devenir prêtre?
Bien sûr ! Il y a le fait de sentir l’appel, le manifester à un prêtre et se soumettre à un examen. Quand on est reçu à cet examen, on se rend au séminaire pour commencer la formation.
Chez moi, au Sénégal, il y a le pré-séminaire qui commence avec le premier cycle, à partir du CM1-CM2, ensuite on va au second cycle, de la 6e jusqu’à la 3e. De la seconde à la terminale, quand on a le baccalauréat, on commence la philosophie et vient après la théorie.
Il faut comprendre que dans l’église il n’y a pas de promotions comme ailleurs puisqu’elle est hiérarchique.
C’est l’évêque qui ordonne ses prêtres et leur confie des charges. C’est un service à rendre.
Ici, à St-Laurent, je suis le vicaire. J’ai un curé, qui est le premier responsable de la paroisse et moi, je suis son adjoint.
Les affectations des prêtres se font-elles, comme dans d’autres professions, suite à des demandes de mutations ?
Oui, les affectations sont les mêmes que les administrations. Mais, ici, c’est l’évêque qui déplace les prêtres vers un milieu et pour une tâche précise.
Il peut arriver qu’un prêtre demande à partir, mais en général, il est plus sage d’obéir aux ordres de l’évêque.
Pensez-vous rester en Guyane ?
Pour le moment, je suis là, pour un contrat de 3 ans renouvelable.
C’est à la demande de l’évêque de Guyane que je suis venu ici.
J’ai de la chance d’être à St-Laurent, car je m’y plais bien. Je crois que je vais rester au moins pour 3 ans.
En réalité, lorsque l’on est prêtre, on porte un projet et des orientations pastorales pour toute la paroisse.
C’est la gestion de la vie de l’église qui est prioritaire. Il faut assurer le culte et un apostolat auprès des mouvements en église pour les jeunes et les adultes.
Il faut également avoir un souci attentif pour les personnes âgées et les malades.
Aimeriez-vous faire autre chose en dehors de votre fonction actuelle ?
En tant que prêtre, j’ai mes loisirs.
Avant de devenir prêtre, j’aimais beaucoup le sport. Ici, j’essaie d’aménager mon temps pour pouvoir pratiquer et maintenir l’équilibre.
J’aime particulièrement le football, en dehors de mes activités religieuses.
J’en ai fait dans ma jeunesse et même en compétition. Je n’ai pas cessé d’en faire dans les paroisses où j’avais été affecté.
Si on m’invite à participer à un match amical, j’accepterai avec plaisir. D’ailleurs, je vais souvent jouer à Paddock, avec les Amérindiens.
C’est une question difficile !
J’aurais pu me la poser moi-même. Qu’est-ce que je ferais ?
En réalité, je pense qu’être prêtre, c’est pour moi l’épanouissement et le bonheur.
Après mon baccalauréat, un de mes professeurs m’avait demandé d’aller à l’université. Il avait vu que j’avais les capacités pour faire des études en sciences politiques. Mais, mon choix était très clair, je suis allé au séminaire.
J’avoue que je n’y ai pas souvent réfléchi, mais j’aurais bien aimé travailler dans l’enseignement. Ça serait un de mes rêves.
Les catholiques sont en ce moment en période de carême, pouvez-vous nous expliquer à quoi cela correspond ?
Le carême, c’est le cheminement et la préparation à la fête de Pâques.
Cela consiste fondamentalement à changer son cœur, se convertir pour être bien disposé à la célébration pascale qui est au centre de la vie chrétienne.
Bien disposer son cœur, le purifier. Renouveler d’efforts dans la prière durant ce temps de carême. Changer son regard et son appréciation sur les choses et développer une plus grande générosité et charité envers les pauvres.
Les croyants ont-il des « règles » à respecter pendant le carême ?
L’église demande à tous ceux qui le peuvent, de 14 à 59 ans, d’observer un jeûne pendant ce carême. C’est à dire, s’abstenir de manger de la viande, les vendredis et jeûner de manière obligatoire le mercredi et le vendredi des cendres.
Dans d’autres conférences, on demande aux chrétiens d’étendre cet effort sur tous les autres vendredis de l’année, de se priver de viande, de cigarettes et d’alcool.
Cela dépend du contexte. Il ne faut pas oublier que nous avons été évangélisés par l’Occident. La pratique qui consiste à dire aux gens de s’abstenir de manger de la viande relève du fait que les occidentaux n’avaient pas l’habitude d’en manger tous les jours.
Alors, se priver de viande le vendredi était réellement un effort, car c’était considéré comme un luxe.
Le carême, c’est un état d’esprit, bien disposer son cœur, être docile au souffle de l’esprit sain. Ça ne sert à rien de se priver de poisson ou de viande… rien que par sa pensée ou son regard, on fait des choses qui ne sont pas très appréciables.
Dans un autre contexte, on pourrait demander aux gens, selon leurs habitudes alimentaires de se priver d’autre chose, de ce qu’ils veulent. Il faudrait que tout ce dont ils se privent, ils le donnent aux pauvres au lieu de les conserver.
Sentez-vous la religion en danger ? Les gens ont-ils plus tendance à se rapprocher ou se détacher de l’église aujourd’hui ?
Selon mon analyse, je pense que l’on peut déplorer une certaine distance, indifférence par rapport à la foi en général.
Je ne pense pas qu’aujourd’hui l’église soit moins fréquentée qu‘elle ne l’était il y a quelques années.
Je constate qu’il y a une crise de la foi et que l’église continue son chemin. Son projet n’est pas d’être tellement grande, mais l’essentiel est qu’elle puisse avoir des chrétiens fervents, engagés et vraiment à la suite du Christ.
Aimeriez-vous dire quelque chose aux habitants de St-Laurent ?
Ça sera un message de remerciement. Je voudrais dire que je suis très heureux d’être ici. Je me sens accueilli et intégré.
Mon souhait c’est de pouvoir travailler davantage avec les jeunes. Partager avec eux ce en quoi je crois et j’espère, également mes craintes, parce que j’en ai aussi.